Une Warka Tower installée sur le campus d'Écully

Peut-on produire de l’eau claire à partir de l’air qui nous entoure ? Durant toute l’année universitaire, dans le cadre de leur projet d’élèves encadré par les équipes du LTDS (Laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes), Amélie, Hélène, Léopold, Louis, Marion et Paul ont travaillé à la conception d’une Warka Tower : une tour capable de piéger l’humidité de l’air ambiant, même dans les zones les plus arides.

L’origine du projet

La question de la ressource en eau et de son accès est de plus en plus prégnante dans le contexte du changement climatique. Ainsi, les stratégies de récupération d’eau sont des enjeux majeurs de la transition écologique et d’adaptation au changement climatique. C’est dans ce contexte que l’architecte italien Arturo Vittori s’est penché sur la réalisation d’une structure simple et réalisable avec des matériaux de la vie courante pour les populations locales : la Warka Tower (2015). Celle-ci serait capable de capter jusqu’à 100 litres d’eau par jour. L’appellation « Warka » provient d’un arbre d’Éthiopie qui offre une grande capacité de surface ombragée et sous lequel les populations se rassemblent.

Warka Tower

Le principe : emprisonner l’humidité de l’air ambiant

La Warka Tower est une structure haute d’environ 8 m (2 m dans le cas du prototype installé sur le campus), réalisée en matériaux locaux ou de récupération. Cette structure supporte un filet de captation dont le rôle est central. Il permet en effet de capter l’eau de l’air ambiant (brouillard, rosée) par condensation, puis de la faire ruisseler jusque dans un réservoir situé à la base de la tour.

Vasque Warka Tower

Le filet attrape l’eau contenue dans l’atmosphère. L’air se condense et l’humidité est comme emprisonnée par les mailles. Piégées, les particules d’eau glissent ensuite le long de la structure jusqu’au tonneau », explique Marion, l’une des élèves impliqués dans le projet.

L’expertise du LTDS au service de la Warka Tower

Les propriétés physiques mises en jeu dans la Warka Tower sont au cœur des activités de recherche du groupe TREETOP du LTDS : la texturation de surfaces, la mouillabilité et le biomimétisme. Grâce à son expertise dans ces trois domaines, l’équipe cherche à améliorer les rendements de récupération d’eau de la tour. L’idée est alors de texturer le filet de manière à le rendre plus performant dans le piégeage de l’humidité. Comment ? En s’inspirant de surfaces du monde vivant.

Le biomimétisme

Stenocara

L’un des objectifs du projet est d’étudier des surfaces naturelles, remarquables par leurs propriétés, et de les reproduire afin d’obtenir les mêmes fonctionnalités. De nombreuses espèces vivantes, animales et végétales, ont en effet développé des stratégies de survie dans des zones extrêmement arides. C’est le cas par exemple du Stenocara, un scarabée du désert de Namibie. Sa carapace présente une morphologie en pics et en creux qui favorise la condensation et le ruissellement de l’eau présente dans le brouillard matinal. L’insecte se positionne face aux vents en provenance de l’Océan Atlantique et récolte ainsi l’eau nécessaire à sa survie.

La mouillabilité

La mouillabilité des surfaces concerne l’étude de leur comportement vis-à-vis des liquides. On peut considérer deux cas extrêmes de comportement en mouillabilité : des surfaces qui attirent les liquides (on parle de surfaces hydrophiles) et des surfaces qui repoussent les liquides (on parle de surfaces hydrophobes). Le groupe TREETOP s’est spécialisé dans l’étude des comportements extrêmes de mouillabilité, c’est-à-dire les surfaces super-hydrophiles ou super-hydrophobes. Il se trouve que ces propriétés de mouillabilité extrêmes sont présentes dans la nature, notamment pour des applications de condensation/drainage telles que sur la carapace du Stenocara. C’est le lien avec le projet de Warka Tower.

La texturation

Afin d’élaborer des surfaces super-hydrophiles ou super-hydrophobes bio-inspirées, le groupe TREETOP développe des procédés d’ingénierie de surface, et plus particulièrement de texturation de surface. Cette technique consiste en la modification morphologique des surfaces (modification de leur relief) par des procédés d’ajout et/ou d’enlèvement de matière. La texturation laser femtoseconde est au cœur des activités du groupe. Des rayons lasers de très grande intensité lumineuse sont utilisés pour structurer la matière à des échelles de quelques nanomètres à plusieurs centaines de micromètres. Avec l’outil laser femtoseconde, il est possible de mimer les reliefs de surfaces observés dans le monde vivant ; ceux de la carapace du Stenocara par exemple.

La poursuite du projet

En juin 2021, après une année d’observations, de tests et de conception, les élèves ont installé un prototype de Warka Tower sur le campus de Centrale Lyon à Écully. Il permettra de réaliser les premières mesures, à partir d’un filet « témoin », non texturé. L’ambition, selon Stéphane Valette qui pilote le projet, est de poursuivre le travail à la rentrée 2021, cette fois-ci en concevant un filet texturé bio-inspiré. 

Warka Tower Centrale Lyon
Le prototype de Warka Tower installé sur le campus d'Écully

Ce projet d’élèves est encadré par Stéphane Valette, Professeur en science des matériaux (LTDS/STMS).