Des micro-organismes électrogènes au service de l’environnement
Dans les stations d’épuration, certaines bactéries naturellement présentes dans les eaux usées se nourrissent de matière organique qui les entoure, ce qui a pour effet d'arracher des électrons aux composés qu’elles dégradent. L’idée à la base des biopiles microbiennes est de canaliser ces électrons à travers un circuit électrique via des électrodes, transformant ainsi l’activité bactérienne en production directe d’électricité.
Comme l’explique Naoufel Haddour dans le documentaire :
![]()
« On s’est intéressé à la possibilité de récupérer ces électrons pour produire de l’énergie électrique directement à partir de la matière organique et des bactéries présentes dans les eaux usées. »
Naoufel Haddour, maître de conférences en physico-chimie à Centrale Lyon
Cette technologie repose sur un biofilm bactérien qui se développe naturellement sur des matériaux conducteurs immergés dans les eaux usées. Le biofilm agit comme une véritable « membrane vivante » capable de transférer les électrons vers un circuit externe.
Une alternative durable et économe pour le traitement de l’eau
Aujourd’hui, le traitement biologique des eaux usées repose sur l’aération des bassins, un procédé très énergivore. En utilisant des biopiles, on contribue à compenser une partie de ce coût énergétique en production d’énergie, réduisant ainsi l’empreinte carbone des installations. Ce procédé s’inscrit dans une logique d’économie circulaire : les déchets (eaux usées et biomasse) deviennent une ressource.
Le biochar, un matériau prometteur
L’un des freins à l’industrialisation de cette technologie réside dans le coût des électrodes. L’équipe de Centrale Lyon explore une piste innovante : l’utilisation de biochar, un matériau poreux issu de la pyrolyse de déchets boisés.
Ce matériau, peu coûteux et abondant, possède une double qualité : conducteur et fortement colonisable par les bactéries. Véritable « aimant à microbes », il offre une voie réaliste vers l’industrialisation de biopiles à grande échelle.
« On peut imaginer dans le futur, avec des copeaux de bois et des eaux usées, produire directement de l’électricité », projette Naoufel Haddour.
Une recherche à l’interface de plusieurs disciplines
Les travaux menés sur les biopiles microbiennes au sein du Laboratoire Ampère mobilisent des compétences en physico-chimie, électrochimie et traitement de l’eau. L’objectif est de mieux comprendre et exploiter les interactions entre bactéries électrogènes, matière organique et matériaux conducteurs.
En testant des matériaux alternatifs comme le biochar, les chercheurs ambitionnent de réduire les coûts de production des dispositifs, tout en évaluant leur performance dans des conditions réalistes. Ces recherches visent des applications concrètes dans le domaine de l’assainissement, avec une attention portée à l’efficacité énergétique et à la valorisation de ressources locales.
Ce projet s’inscrit dans les axes de recherche de Centrale Lyon, qui associe sciences fondamentales et préoccupations environnementales dans ses travaux en énergie et procédés durables.