Des trésors à expertiser au LTDS

Élise Morero, chercheuse en archéologie au Centre de recherche Khalili de l’Université d’Oxford, se rendra prochainement au LTDS pour faire expertiser une fiole à parfum ou à cosmétiques en forme de lion, une pièce très rare sculptée dans du cristal de roche entre le 9e et le 12e siècle dans un atelier du monde islamique médiéval.

Dans le cadre d’un projet mené avec le Professeur Jeremy Johns sur l’industrie lapidaire des débuts de l’Islam, l’archéologue va étudier les techniques de fabrication de près de 500 objets anciens, tous en cristal de roche, sculptés en relief par des artisans au savoir-faire unique au monde.

Elise Morero

« Nous avons très peu d’informations sur ces objets très rares et précieux, particulièrement sur la manière dont ils ont été produits », explique Élise Morero, spécialiste des technologies anciennes. « On sait que les principaux centres de production se trouvaient en Iraq abbaside et en Égypte Fatimide. De très rares spécimens portent des dédicaces à des califes ou des gens de la cours, ce qui nous permet de les dater et, pour certains, de les rattacher à Fustat, l’ancien Caire. Mais pour la majorité d’entre eux il est difficile de retracer leur chemin depuis leur conception. L’essentiel des objets qui sont parvenus jusqu’à nous est arrivée en Europe à la fin du 12e siècle et ont été conservés dans des églises, bien souvent comme reliquaires. »

La chercheuse a découvert l’existence de cette petite fiole en forme de lion en faisant des recherches sur une base de données du ministère de la Culture. Ce lion appartient au trésor de l’église de Bredon (Cantal). D’après la tradition, il aurait été ramené dans la région au retour de la troisième croisade par le vicomte de Murat. Élise Morero s’est rendue en septembre dernier au musée de la Haute-Auvergne de St Flour afin de confirmer son authenticité. Elle souhaite en savoir plus sur les méthodes de travail des artisans de l’époque.

Moulages en silicone

Elle a donc réalisé des moulages en silicone du lion pour les étudier au LTDS de Centrale Lyon. Elle s’y rendra dès que la situation sanitaire le permettra. La chercheuse va pour cela utiliser différents appareils, dont un microscope interferométrique, pour mesurer le relief de la surface du lion et obtenir des détails de l’ordre du nanomètre. « Avec les outils du LTDS, on peut atteindre un très grand niveau de précision, obtenir des coupes transversales, des vues en 3D, ce que l’on ne peut pas faire avec un simple microscope. » explique-t-elle. « Cela va me permette de caractériser les micro-traces d’outils qui se trouvent à la surface du lion en cristal de roche. C’est la seule chance que l’on a de reconstituer une partie de l’histoire de ces objets incroyables ».

L’aiguière d’Al-Aziz, fabriquée en Egypte entre 975 et 996 et conservée dans le trésor de la basilique St Marc de Venise.

Élise Morero a déjà étudié au LTDS de Centrale Lyon de nombreux objets anciens dont sept aiguières datant des débuts de l’Islam, des cruches en cristal de roche, portant un décor sculpté en relief, d’une valeur inestimable. « Ce travail mené avec le LTDS et avec l’aide de Roberto Vargiolu nous a permis de déterminer que toutes ces aiguières appartiennent à un même groupe, relevant d’une tradition technique commune. Elles ont été fabriquées pour des dignitaires, par des artisans experts, très probablement au Caire entre le 10e et le 12e siècle. »

Élise Morero est titulaire d’une thèse à l’Université Paris I Sorbonne sur l’artisanat lapidaire en Crète Minoenne (2009). Elle s’est plus particulièrement consacrée à la reconstitution des techniques de travail de la pierre et transferts de savoir-faire en Méditerranée Orientale durant les 3e et 2e millénaires av. J.-C. Elle a obtenu une Bourse de la Fondation Fyssen en 2011 et a rejoint l’Université d’Oxford.