Dépolluer les eaux usées avec Naoufel Haddour

Naoufel Haddour s’est lancé un double défi : améliorer les systèmes de traitement de l’eau existants dans les stations d’épuration et les compléter par de nouveaux, capables de détruire les polluants difficiles à éliminer aujourd’hui.

Cet enseignant-chercheur en électrochimie s’est spécialisé dès son arrivée à Centrale Lyon dans le développement de systèmes électrochimiques pour la valorisation des eaux usées par la production d’énergie électrique et dans l’élimination des polluants et micropolluants que les stations d’épuration ne parviennent pas à tous éradiquer.

La technique la plus utilisée pour éliminer la matière organique consiste à la faire dégrader par des bactéries qui s’en nourrissent : « Très efficace, ce procédé est aussi très énergivore. La consommation électrique nécessaire est très importante pour brasser et aérer les bassins où se développent les bactéries », explique Naoufel Haddour. « Or l’énergie chimique présente dans les eaux usées peut être transformée en énergie électrique. »

Des bactéries qui produisent de l’électricité

Pour réduire le coût du traitement des eaux usées, le physico-chimiste va donc plus loin : il développe une technique innovante qui non seulement dégrade la matière organique grâce aux bactéries, mais en plus produit de l’électricité. Il s'agit de la bio-pile ou pile à combustible microbienne. La bio-pile comprend une électrode positive (cathode) alimentée en oxygène et une électrode négative (anode) surmontée d’un biofilm peuplé de bactéries qui assurent un transfert électrique. Reliée par un circuit électrique externe, les deux électrodes sont plongées dans l’eau à dépolluer. La matière organique présente dans l’eau est ainsi oxydée au niveau de l’anode procurant des électrons à la cathode. Le mouvement des électrons dans le circuit externe permet la production d’énergie électrique.

Grâce à cette innovation, les stations d’épuration pourraient devenir autonomes en énergie. « Cette technologie n’est pas encore mature pour être industrialisée », nuance le chercheur. « Il faut d’abord sélectionner les bonnes bactéries, les plus performantes et optimiser l’architecture de la bio-pile. »

Un système autonome de destruction des micropolluants

Les  lois françaises et européennes sur le traitement des eaux usées se durcissent. Un nouvel arrêté paru le 24/08/2017 relatif aux rejets de substances dangereuses entrera en vigueur au 1er janvier 2020. L’objectif est de parvenir à éliminer totalement les micropolluants, qui même à faible concentration, s’avèrent dangereux, comme les résidus de pesticides ou les métaux lourds. Afin d’aider les industriels et les collectivités à se mettre en conformité avec ces nouvelles réglementations, une seconde innovation est en cours de valorisation.

Élève-ingénieur visionnaire, Térence Burcelin est en train de créer la startup Lichen, avec l’aide de PULSALYS, afin de développer la technologie brevetée "Galvano-Fenton" issue des travaux de recherche de Naoufel Haddour. Térence Burcelin propose un système autonome de destruction des micropolluants par l’intermédiaire d’une « box », qui ressemble à une pièce géante de Lego, branchée en sortie de station d’épuration. Des molécules chimiques très réactives, couplées à une pile, vont dégrader ces micropolluants récalcitrants au traitement biologique en produisant de l’énergie, au lieu d’en consommer (réaction de Galvano-Fenton) : « La boxe vient en complément du traitement biologique pour éliminer les micropolluants que les bactéries n'arrivent pas à oxyder », précise Naoufel Haddour.

Terence Burcelin espère qu’un premier prototype sera prêt d’ici la fin de l’année, en vue d’une industrialisation d’ici juin 2020 : « Lichen n’est que la première brique d’un objectif plus ambitieux : parvenir à dépolluer les fleuves et mêmes les océans ».

Après une maîtrise de chimie obtenue en Algérie, Naoufel Haddour entame un DEA en chimie moléculaire à Grenoble puis complète son cursus par un doctorat en bio électro-chimie. Il effectue son post-doc à l’INL (Institut des nanotechnologies) de Centrale Lyon. Il est depuis 2006 maître de conférences rattaché au laboratoire Ampère.