Surveiller la santé des structures par l’approche prédictive

La maintenance prédictive consiste à surveiller et écouter les structures pour connaitre leur état de santé en temps réel. Elle permet de ne déclencher les interventions de maintenance que lorsqu’elles sont nécessaires, avant que ne survienne la panne.

Rencontre avec Olivier Bareille, spécialiste de l’étude des vibrations et de la dynamique des solides, maître de conférences au LTDS, directeur du département MSGMGC.

Maintenance programmée et maintenance prédictive

Au quotidien, nous avons tous besoin d’utiliser nos appareils, nos moyens de transport ou de chauffage sans souci de panne ou de risque d’incident. Pour garantir leur fonctionnement plusieurs stratégies sont possibles :

  • Acheter une assurance, qui garantit le remplacement ou la mise à disposition d’un autre appareil en cas de dysfonctionnement.
  • Suivre un calendrier très strict d’entretien et de maintenance, qui comprend le remplacement périodique de certains composants.

C’est ce que l’on appelle la maintenance programmée.

Cette approche présente 2 inconvénients : certaines opérations n’auraient pas été nécessaires et, à l’inverse, elle ne nous prémuni pas à 100 % de toute rupture ou panne.

Il est donc apparu nécessaire de faire évoluer l’entretien des appareils et installations. L’idée est de réussir à déclencher une opération de maintenance uniquement lorsqu’elle est nécessaire, avant la panne, avec une réponse adaptée. C’est ce qu’on appelle la maintenance prédictive.

Par cette approche on suit au quotidien l’évolution de l’état de santé des installations. On peut alors mieux apprécier leur durée de vie résiduelle qui est fonction du matériau, de l’implantation et de l’usage. Ceci nécessite une connaissance du comportement normal, du comportement anormal et de ce qui est acceptable entre les deux.

Concrètement, comment cela fonctionne ?

Capteurs pont

C’est une approche qui allie des techniques de contrôle non destructifs (capteurs qui réalisent des mesures en continu) à des méthodes d’analyse numérique du comportement des structures. Il s’agit de s’appuyer sur les signaux que le système peut émettre : son, vibrations, chaleur…

Sa mise en œuvre nécessite en amont :

  • La modélisation du comportement normal de la structure.
  • L’installation d’un réseau de capteurs adaptés.

Prenons l’exemple des canalisations d’eau. Pour les surveiller, l’équipe d’Olivier Bareille utilise les vibrations : une canalisation est soumise à une vibration par l’opérateur. Si elle est endommagée, elle absorbera/renverra les vibrations différemment de ce qui est attendu. En fonction de sa réponse on peut alors identifier la présence, la position et la taille d’un défaut. Il s’agit ensuite de savoir apprécier sa sévérité et son évolution.

Cela permet d’anticiper une panne et donc d’éviter une intervention et une éventuelle coupure du réseau (qui peut être plus ou moins longue et plus ou moins locale suivant l’ampleur du défaut et l’accessibilité de la canalisation).

capteurs_maintenance_câble

L’équipe d’Olivier Bareille est ainsi constituée de spécialistes des vibrations, des matériaux, du traitement mathématique et de la communication. Cette association de compétences permet de développer des techniques, d’équiper et de surveiller différents types d’ouvrage : viaducs, canalisations, lignes électriques, éoliennes, centrales nucléaires, véhicules…

Les enjeux de la maintenance prédictive

L’émergence de l’approche prédictive est relativement récente : ces 10 dernières années ont vu l’émergence d’un traitement plus systématique de cette approche dans la conception de nouvelles installations et équipements. Elle est motivée par des défis industriels à la fois économiques et environnementaux. L’objectif est de garantir le fonctionnement d’un système en optimisant à la fois sa disponibilité et ses coûts d’entretien.

Afin d’étendre les bénéfices d’une telle démarche à d’autres champs d’application, la maintenance prédictive s’inscrit également dans une démarche low-tech, c’est-à-dire qu’elle s’appuie sur des technologies robustes, fiables et peu consommatrices en énergie. Ainsi, par exemple, l’ambition serait alors de proposer des solutions de monitoring des installations d’irrigation et de distribution d’eau potable dans des régions du globe encore peu équipées en termes de réseaux électriques, et où l’accès à l’eau est un enjeu sanitaire fort. Pour cela les capteurs devront être robustes, sobres en énergie et/ou autonomes en énergie.

Olivier Bareille obtient sa thèse de doctorat en vibroacoustique à l’École Centrale de Lyon – LTDS. Ses recherches s’intéressent aujourd’hui aux propriétés des structures composites et aux vibrations appliquées au contrôle de santé des structures.

Écoutez à ce sujet la chronique « Dis Pourquoi ? » sur RCF Lyon diffusée le 13 mars 2021. Avec la participation d’Olivier Bareille.