Un parcours guidé par l’aéronautique
Qu’est-ce qui t’a motivé à devenir ingénieur ?
Depuis tout petit, mon rêve, c’était de fabriquer des fusées ! Naturellement ça m’a orienté vers l’ingénierie, même si je n’étais pas particulièrement séduit par le parcours prépa. Je ne comprenais pas pourquoi il fallait « faire des maths pour apprendre à fabriquer des choses » au lieu de simplement « fabriquer pour apprendre ».
Centrale Lyon propose un parcours généraliste, tu n’avais pas peur de retrouver ce schéma très académique ?
C’est vrai mais finalement ce qui m’a aussi marqué à Centrale, c’est la vie associative. En rejoignant l’EPSA, l’écurie automobile de l’école, j’ai pu mener toute une équipe et concevoir une voiture électrique. J’ai aussi beaucoup progressé au FabLab, en travaillant sur des projets personnels. Ces expériences m’ont formé autant que les cours.
Comment ton rêve de « construire des fusées » s’est invité dans ton parcours ?
J’ai d’abord réalisé des stages dans le domaine de l’aéronautique chez Safran notamment et j’ai eu une expérience incroyable pendant mon année de césure en Nouvelle-Zélande, chez Rocket Lab — une start-up devenue aujourd’hui un acteur majeur du spatial. J’y ai travaillé sur une mission d’exploration martienne pour la NASA. L’ambiance m’a marqué : une équipe qui pratique sans cesse, des décisions rapides, un rythme intense. C’est là que j’ai découvert un mode de travail qui me correspondait vraiment.
De l’ingénierie vers l’entrepreneuriat
Travailler dans une start-up qui a percé, c’est ce qui t’a guidé vers l’entreprenariat ?
Pas tout à fait mais après Rocket Lab, j’ai compris que j’aimais les environnements où l’on avance vite, où chaque idée peut devenir un prototype. Mais en réalité, c’est l’enchaînement de rencontres qui m’ont amené à l’entreprenariat. Juste après cette césure, j’ai participé à l’International Space University, un programme d’échange consacré à l’industrie spatiale avec des personnes de tous les âges et toutes les professions qui ont la même passion pour l’espace. C’est là que j’ai rencontré un participant autrichien qui faisait partie de Team Tumbleweed, une association internationale travaillant sur un projet bénévole d’exploration martienne. C’est de cette association qu’est né le projet de start-up !
Comment on passe d’un projet associatif à une start-up ?
Quand j’ai rejoint cette association bénévole, l’équipe comptait une cinquantaine de personnes, des étudiants et ingénieurs du monde entier, très investis. Mais petit à petit, beaucoup terminaient leurs études ou manquaient de temps pour s’impliquer... on s’est dit : soit on arrête, soit on capitalise sur ce qu’on a construit. Pour ma part, je terminais ma thèse de master chez HyPrSpace et les dirigeants m’ont encouragé à tenter l’aventure entrepreneuriale et ça m’a donné le filet de sécurité dont j’avais besoin. Avec Julian Rothenbuchner, le fondateur de l'association, et Leonhard Goliasch, un autre membre associatif, on a décidé de développer une activité qui répondait à un besoin : permettre à des laboratoires et des entreprises de mener des expériences en apesanteur à bord de petits satellites de manière accessible. L’idée : rendre l’accès à l’espace aussi simple qu’un envoi postal, c’est ainsi qu’est née Tumbleweed Microgravity !
Rendre les expériences en apesanteur accessibles
Concrètement, en quoi consistent ces expériences ?
Nous concevons de petits modules embarqués dans un satellite autonome, que nous envoyons en orbite. Chaque module contient une expérience scientifique miniature : cela peut aller d’une étude de physique des matériaux avec par exemple l’étude de la sublimation puis la condensation de cristaux d’iode, jusqu’à la production de molécules pharmaceutiques en apesanteur. L’idée, c’est de permettre à des chercheurs ou à des entreprises de tester comment certains phénomènes physiques ou chimiques se comportent lorsqu’il n’y a plus de gravité. L’intérêt est double : d’un côté, on accède à des résultats impossibles à obtenir sur Terre, et de l’autre, on simplifie radicalement l’accès à la microgravité.
Pourquoi proposer un satellite autonome et ne pas passer par une station ?
Parce que cela change tout. Travailler à bord de la station spatiale internationale implique de nombreuses contraintes : sécurité des astronautes, procédures administratives lourdes, délais très longs et restrictions sur les matériaux utilisés. Avec un satellite entièrement autonome, nous éliminons ces obstacles. Tout est automatisé et sécurisé à bord : les expériences se déroulent sans intervention humaine, dans un environnement que nous contrôlons de A à Z. Résultat : les chercheurs peuvent concevoir leurs protocoles librement, les délais sont considérablement réduits et les coûts bien plus faibles.
Un démarrage rapide et un deuxième lancement en projet
Où en est le projet aujourd’hui ?
Ça a démarré extrêmement fort, nous avons reçu beaucoup de soutien et en un an, nous sommes passés de trois fondateurs à quatorze personnes, réparties entre l’Autriche et les Pays-Bas. Notre premier satellite est en assemblage et devrait être prêt au printemps, pour un lancement prévu courant 2026. Il embarquera quatre expériences pour des clients variés : start-up, instituts de recherche, laboratoires publics.
Quels sont vos objectifs à moyen terme ?
Nous préparons une seconde levée de fonds pour financer le deuxième lancement et renforcer l’équipe. Nous avons déjà vendu la première place sur le deuxième vol, prévu fin 2027, qui sera d’une plus grande ampleur. Nous participons à plusieurs concours et challenges pour gagner en visibilité. Nous venons d’ailleurs de remporter le premier prix du Start’Up Challenge des Écoles Centrale.
Quel conseil donnerais tu à un étudiant qui veut se lancer ?
Avant tout, bien s’entourer. On ne peut pas tout savoir, ni tout faire seul. Dans notre équipe, nous avons trois profils complémentaires : ingénierie, business et gestion. C’est ce qui fait notre équilibre. Et surtout, il faut garder en tête qu’une start-up, c’est un pari : 99,9 % échouent. L’important, c’est de le faire pour apprendre. Même si ça ne marche pas, c’est une expérience inestimable.
Tumbleweed Microgravity : portrait express
- Objectif : démocratiser l’accès à la microgravité pour la recherche et l’innovation
- Création : 2024
- Équipe : 14 personnes
- Siège : Pays-Bas
- Premier lancement prévu : 2026