Simulation haute fidélité d’un étage complet de soufflante aéronautique (360°)

Le Laboratoire de Mécanique des Fluides et d'Acoustique (CNRS/Centrale Lyon/INSA Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1) a réalisé, pour la première fois, la simulation numérique d'un étage complet soufflante/redresseur d'un moteur d'avion de future génération. Cette simulation parvient à décrire finement la turbulence autour des aubages et dans le sillage de la soufflante, ainsi que la propagation acoustique. Elle permet une avancée conséquente dans la compréhension des mécanismes à l'origine du bruit des moteurs d'avion de nouvelle génération.

Vers une nouvelle génération de moteurs d'avion à très haut taux de dilution

L’étage soufflante/redresseur d’un moteur d’avion, aussi appelé "étage de soufflante", constitue le premier étage du moteur, visible depuis l’extérieur de l’avion. Il assure la majeure partie de la propulsion de celui-ci. Avec la nouvelle génération des moteurs d’avion, notamment les moteurs à très haut taux de dilution (UHBR), qui vise une augmentation du diamètre de la soufflante et une réduction de la longueur de la nacelle, le bruit de l’étage soufflante/redresseur va être intensifié. En condition d’approche, lorsque l’avion vient à proximité des habitations, cet étage devient un contributeur majeur du bruit du moteur. Cette contribution est due à plusieurs mécanismes principalement liés à la turbulence de l’écoulement d’air dans l’étage.

Mieux comprendre les mécanismes de bruit d'une nouvelle génération de moteur d'avion

Une simulation aux grandes échelles (SGE) a été effectuée sur circonférence complète (360°) de l’étage ECL5, qui est un étage soufflante/redresseur UHBR. La figure ci-dessous montre les structures turbulentes autour des aubes tournantes de la soufflante (uniquement une moitié de la soufflante est présentée dans la visualisation) et des aubes fixes du redresseur. Sur cette figure on observe aussi les ondes acoustiques qui se propagent en amont et en aval de l’étage au niveau du carter. La couleur des structures turbulentes montre le niveau de la vorticité des tourbillons. La vorticité décrit l’intensité du mouvement rotationnel d’un tourbillon. L’interaction des structures turbulentes dans les sillages de la soufflante avec les aubes du redresseur est clairement observée. Cette interaction est un mécanisme de bruit important, connu sous le nom de « bruit d’interaction rotor-stator », qui contribue, en grande partie, aux ondes acoustiques observées.

Visu ECL5 LMFA

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Une première mondiale dans le domaine de la simulation numérique

Cette simulation est une première mondiale avec ce niveau de précision. Elle a été réalisée grâce à une allocation Européenne PRACE de 30 millions d’heures de calculs. Elle a nécessité l’usage du calculateur IRENE du CEA, qui est l’un des calculateurs les plus puissant en Europe. Un maillage non structuré a été adopté. Ce maillage est composé d’environ 1.5 milliard de cellules réparties entre différents types d’éléments. Elle a duré environ 4 mois de calculs ininterrompus sur 15360 processeurs. Comme le montre la figure, cette simulation arrive à décrire finement la turbulence autour des aubages et dans le sillage de la soufflante, ainsi que la propagation acoustique dans l’étage jusqu’aux sections d’entrée et de sortie du domaine.

Une simulation à 360°

Jusqu’à présent, toutes les simulations numériques considèrent une configuration simplifiée de l’étage, en modélisant uniquement un secteur périodique de cet étage. Grâce à cette simulation, qui prend en compte la circonférence complète de l’étage, il est enfin possible de calculer le champ acoustique en amont et en aval de l’étage de la soufflante, ainsi que les corrélations non-linéaires de pression et vitesse entre les aubes. Cela nous permet de quantifier les limitations des approches actuelles et d’alimenter des modèles de basse fidélité qui servent à une prédiction plus rapide, et moins coûteuse, de l’écoulement turbulent et du bruit généré dans l’étage. Cette simulation nous permet aussi de mieux comprendre les phénomènes physiques complexes, et de mieux prédire le bruit, pour une configuration caractéristique des futures générations de moteurs d’avion.

Recherche réalisée dans le cadre de la thèse de doctorat de Jean Al Am, au sein du LMFA. Cette recherche s'inscrit dans la chaire industrielle ARENA entre l’École Centrale de Lyon et Safran Aircraft Engines soutenue par l'ANR. Thèse encadrée par Jérôme Boudet, Vincent Clair et Alexis Giauque (LMFA) et Fernando Gea Aguilera (Safran Aircraft Engines).

Prédire et réduire le bruit d'une future génération de moteur d'avion : réécoutez la chronique scientifique "Dis pourquoi" de Jean Al Am.