Recherche : comment s'adapter au confinement ?

Comment nos enseignants-chercheurs et doctorants ont-ils réagi à l’annonce du confinement le 17 mars dernier ? Comment ont-ils depuis adapté leurs activités dans leur laboratoire respectif ? Nous avons recueilli les témoignages de dix d’entre eux.

L’annonce du confinement

Sarah Pragnere LTDS

Certains ont été un peu paniqués et pris de court, comme Sarah Pragnere, doctorante au LTDS de Centrale Lyon. Elle travaille sur la maladie des os de verre : «  J'avais encore des expérimentations en cours que j'ai dû abandonner. De plus, j'avais des cellules conservées dans l'azote mais sans possibilité de remplir la cuve pendant la durée du confinement, l'azote va s'évaporer et les cellules mourir. »

Christian Vollaire, directeur adjoint du laboratoire Ampère : « J’ai été assez surpris et je n’étais pas du tout préparé. Il a fallu mettre en place très rapidement la continuité pédagogique. Différentes possibilités, différents formats... On a fait au mieux ! Le suivi des doctorants s'avère plus facile car ils sont peu nombreux. La situation est compliquée pour ceux qui ont des manipulations en cours ou qui finalisent leur thèse et ont besoin de réaliser des expériences pour boucler un chapitre. »

Naoufel Haddour, enseignant-chercheur en électrochimie au laboratoire Ampère : « Bien que conscient de l’éventualité du confinement, cela n’a pas empêché l’effet de surprise ! »

Elise Contraires, maîtresse de conférence au LTDS : « Il a fallu parer au plus pressé, gérer le stress : protéger les équipements, les données et s'assurer de pouvoir y accéder depuis chez soi et mettre en place avec les collègues des moyens et méthodes de communication. Beaucoup de questions se sont posées en même temps, même si on sait tous que cette fermeture est la seule option sanitaire sure. »

Le cas particulier des doctorants étrangers

Les doctorants étrangers ont hésité à rester en France, comme Greta Segantini, doctorante italienne à l'INL en co-tutelle avec le RMIT de Melbourne : « J’ai décidé de rester à Lyon parce que j’avais peur d’avoir des difficultés à revenir en France par la suite. »

Ana-Maria Pablo, doctorante espagnole : « Au départ, je voulais rentrer en Espagne avec ma famille, mais j'ai décidé de rester à Lyon. C'était risqué de prendre l'avion car pour aller dans ma ville natale, je dois passer par Madrid, l'une des villes les plus touchées au monde par le virus. »

Les doctorants du RMIT
Greta, Pantea et Ana-Maria

L’éloignement est difficile à gérer et suscite des inquiétudes : « En Espagne, c’est encore plus difficile qu’en France car les exercices physiques à l’extérieur sont interdits. Je prends des nouvelles de mes proches plus souvent que d’habitude. Heureusement, ils vont bien.»

« Ma famille vit en Iran, l’un des pays les plus touchés. Ils sont confinés chez eux depuis le mois dernier, bien que le confinement ne soit pas obligatoire », explique Pantea Pedram, doctorante iranienne.

La réorganisation du travail

Juliette Cayer-Barrioz

C’est tout le travail qu’il a fallu réorganiser, comme l’explique Juliette Cayer-Barrioz, directrice de recherche CNRS au LTDS : « Pendant cette période de confinement et de calme relatif, je travaille sur des résultats qui datent de cinq ans et que je n’avais pas eu le temps de valoriser. Je continue mes activités éditoriales à distance avec mes collègues américains et suisses également en visioconférence. »

Comme beaucoup de ses collègues, Sarah Pragnere profite de cette période pour se replonger dans la bibliographie : « C'est l'occasion de faire la synthèse de ce qu'on a lu et d'en profiter pour rédiger des articles pour des revues scientifiques. Cela permet aussi de faire le point sur toutes les données qu'on a déjà et de les confronter à la littérature pour ajuster notre plan d'expérience. »

Côté enseignement, l’important est de rester en contact : « Nous maintenons le lien avec nos collaborateurs et doctorants dont certains soutiennent leur thèse dans six mois. Ils avaient besoin de réaliser des expériences de validation de leurs hypothèses avant leur rédaction », indique Juliette Cayer-Barrioz.

Naoufel Haddour : « Mon travail de recherche se concentre aujourd’hui sur l’analyse et le traitement de données ainsi que la rédaction d’articles. Nous assurons nos enseignements à distance en utilisant la plateforme Moodle ainsi que l’outil « Discord » pour échanger vocalement avec nos élèves. »

Elise_Contraires_LTDS

Elise Contraires : « La difficulté, comme pour beaucoup de collègues également parents, est de s'organiser pour être maîtresse des petits et maîtresse des grands en même temps. Les priorités sont allées très vite vers l'enseignement. Il a fallu mettre en place beaucoup de choses pour les étudiants qui finissent leur semestre de deuxième année. Échanger avec eux, les rassurer, trouver des solutions rapidement pour leur transmettre des contenus, des connaissances et des compétences à distance. »

Entre la mise en place de la continuité pédagogique, le suivi des doctorants et des activités dans les laboratoires, le travail ne manque pas, comme en témoigne Vincent Fridrici, maître de conférences au LTDS : « Je participe au montage d'un projet européen (avec des collègues de différentes universités et entreprises en Europe). Je travaille sur des d'études de dossiers pour labellisation par le pôle de compétitivité CIMES et des demandes de subvention pour le congrès WTC 2021. »

Des projets reportés


Tous avaient des projets et déplacements qu’ils ont dû annuler : « Quelques recrutements de stagiaires, des soutenances de thèse et d'HDR, des expériences in situ en robotique », détaille Elisabeth Mironescu, directrice du département de mathématiques et d'informatique.

Sarah Pragnere : « Je m'étais inscrite à une école thématique début mai, mais elle a été annulée. On devait aussi relancer notre projet avec Genoway, une entreprise lyonnaise de biotechnologies, mais nous ne sommes pas sûrs que notre partenaire britannique puisse nous faire parvenir les nouvelles cellules avec lesquelles nous voulons travailler. »

Elise Contraires : « Nous avions un bel événement de clôture de notre cours de S8 " Matériaux Polymères : propriétés physiques et innovations". Une première partie était consacrée à l'intervention d'un ingénieur de Saint-Gobain. La seconde partie était une séance poster autour du thème " Impact des polymères sur  l'environnement : entre mythes et réalités". Les élèves ont préparé des posters sur ces thèmes. Ces posters devaient ensuite être exposés à la bibliothèque. Bien sûr, tout cela n'aura pas lieu. Mais nous avons mis en ligne la présentation de Saint-Gobain pour les étudiants et nous allons discuter virtuellement avec eux de leur poster, qui sont d'ailleurs de très bonne qualité. J'ai hâte qu'ils puissent être affichés à la bibliothèque. »

Un côté positif au confinement ?

Elise Contraires : « Cela permet de se former très vite à des méthodes pédagogiques innovantes, à des outils nouveaux et cela implique de modifier les interactions avec les étudiants. C'est très intéressant et formateur même si on travaille sur les urgences avant de travailler sur les priorités. »

Christian Vollaire : « C'est tout compte fait une bonne expérience de gestion de crise et de réorganisation dans l'urgence : gestion du temps, des priorités, réorganisation du travail en groupe... Le plus dur est certainement pour les étudiants étrangers qui sont restés sur le campus. »

Leur conseils pour bien vivre le confinement

Sarah Pragnere : « Pensez à bouger et dîtes-vous que tout le monde est dans le même bateau. La plateforme de MOOC FUN a ouvert tous ses cours archivés: cela peut être une bonne solution pour compléter les enseignements si on n'a plus de mal à suivre à distance. »

Juliette Cayer-Barrioz : « Faire du sport, lire et réfléchir. »

Vincent Fridrici : « Bien suivre ses mails et ce qui est demandé, pour ne pas prendre un retard impossible à combler quand on sera déconfiné. »

Elise Contraires : « Garder un rythme, se fixer des objectifs, c'est important. Il ne faut pas se laisser déborder par le travail demandé en ligne. Il faut aussi s'écouter, respecter les temps de repos. Et en profiter pour faire des choses qu'on n'a pas le temps de faire habituellement : se former à des outils ou notions qui nous intéressent, écrire, lire, se poser. J'ai une pensée particulière pour les étudiants restés sur le campus, loin de leur famille et qui vivent un confinement un peu différent. Je leur souhaite bon courage et encore une fois, j'ai hâte de les retrouver. »