[Publication scientifique] Le rôle de la rugosité dans l'origine du frottement

Une récente recherche portée par le LTDS en collaboration avec Johns Hopkins University lève le voile sur l’origine physique du frottement, en démontrant le rôle essentiel de la rugosité. Cette étude a fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue scientifique ACSnano.

Le frottement : résultat de l’interaction entre les atomes

Le frottement découle des interactions fondamentales entre les atomes situés à l’interface de contact. Il est omniprésent dans la réponse mécanique des systèmes naturels et artificiels, allant des failles géologiques responsables des tremblements de terre au cathétérisme cardiaque. Les interprétations du frottement à l'échelle macroscopique s’appuient souvent sur la seule description des phénomènes observables.

Le rôle de la rugosité dans le frottement

Des travaux récents du Laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes (LTDS – UMR CNRS 5513) en collaboration avec Johns Hopkins University (JHU) révèlent le rôle essentiel de la rugosité dans l’origine physique de la friction. L’article montre que le frottement macroscopique résulte de l'existence, due à la rugosité à l’échelle nanoscopique, de jonctions de contact entre les monocouches adsorbées, dont la dynamique émerge du mouvement moléculaire. La présence de ces défauts géométriques de surface est ainsi une condition nécessaire à l’apparition d’un pic de frottement statique qui permet l’initiation du glissement.

La force de frottement statique est la force de frottement empêchant un objet de se mettre en mouvement. Lors de la mise en mouvement, on mesure un pic de frottement appelé frottement statique, puis le frottement décroît lors du glissement stationnaire, c’est le frottement cinétique.

Interface de frottement
Interface de frottement multi-contact. La rugosité, même nanométrique, et les couches moléculaires adsorbées (ici représentées en bleu foncé) sont à l’origine de la création de jonctions au sein desquelles les mouvements moléculaires pilotent le frottement.

Le lien entre les interactions de contacts à l’échelle moléculaire et le frottement macroscopique est établi pour la première fois. Cette découverte inaugure une nouvelle classe de modèles de frottement qui tiennent compte de la rugosité et aident à unifier les communautés de nano et macro frottement, de la biologie à la géophysique.

Schéma rugosité et frottement
Schéma : le ballet incessant des liens moléculaires et des jonctions entre aspérités à l’oeuvre pour initier le glissement du contact

Une collaboration franco-américaine

Ce travail de recherche couple expérimentation de pointe, simulation moléculaire et modèle théorique. Il est le fruit d’une collaboration franco-américaine entre le LTDS (expériences et modèle théorique) et Johns Hopkins University (simulation en dynamique moléculaire), soutenue financièrement côté français par l’ADEME dans le cadre du projet IMOTEP (Innovation et Moteurs Propres) et l’ANR via le projet Confluence.

Tribometre moleculaire Atlas
Tribomètre moléculaire ATLAS développé au LTDS. Cet outil unique au monde associe caractérisation tribologique des couches moléculaires adsorbées sur des surfaces de chimie et rugosité contrôlées à une spectroscopie mécanique du contact et des mesures électriques.

Une recherche aux applications larges

Cette recherche, initialement fondamentale, trouve des applications concrètes dans la vie de tous les jours : tout mécanisme frottant est concerné, du genou au glissement des plaques tectoniques en passant par les contacts pneu/route glacée et les moteurs. Contrôler le frottement permet de l’atténuer et ainsi de réduire les dissipations, et donc les pertes, d’énergie : un enjeu phare de la transition énergétique.

Travail de recherche mené par Juliette Cayer-Barrioz, directrice de recherche CNRS (LTDS), Denis Mazuyer, professeur de Tribologie (LTDS) et par Mark Robbins (JHU).

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