Première observation d'un switchback magnétique dans la couronne solaire

En travaillant sur les mesures réalisées par Solar Orbiter, le satellite d'observation du soleil de l'Agence spatiale européenne, une équipe internationale impliquant des scientifiques du Laboratoire de mécanique des fluides et d'acoustique (LMFA) et de l'Institut d'astrophysique spatiale a mis en évidence l'origine et le mécanisme de formation des « switchbacks », des structures magnétiques en forme de S observées dans le vent solaire.

Le vent solaire, flux continu de particules de plasma supersonique généré au niveau de la couronne solaire, forme une bulle (l'héliosphère) qui s'étend au-delà du système solaire. Ce flux de particules engendre un champ magnétique à très grande échelle. En 2019, la sonde Parker Solar Probe (PSP) de la NASA avait découvert l'existence dans l'héliosphère d'un grand nombre de structures de champ magnétique en forme de S : des « basculements » à court terme dans la polarité du champ magnétique, appelées « switchbacks », susceptibles de jouer un rôle critique dans la création et l'accélération du vent solaire lui-même. Mais l'origine et le mécanisme de formation de ces phénomènes restaient des questions non résolues.

Une réponse fortement argumentée est proposée par l'étude d'une équipe internationale impliquant le Laboratoire de mécanique des fluides et d'acoustique (LMFA, CNRS/Ecole Centrale Lyon/Insa Lyon/Université Claude Bernard), avec la participation de Raffaele Marino, et des scientifiques de l'Institut d'astrophysique spatiale (IAS, CNRS/Université Paris-Saclay). Ces travaux apportent une réponse à une question clé : les switchbacks ont-ils leur origine dans le soleil, ou bien se forment-ils dans le vent solaire, pendant qu'il se dilate dans l'espace ? Les scientifiques, en se basant sur les mesures réalisées par le coronographe1 Metis embarqué dans le satellite d'observation du soleil Solar Orbiter, associées à des études théoriques et des modélisations numériques, ont apporté la réponse. Ils ont montré que la structure de plasma solaire en forme de S observée dans la couronne solaire est en effet compatible avec l'existence d'un switchback magnétique sous-jacent, et mis ainsi en évidence la première observation d'un switchback dans la couronne solaire.

L'article publié dans Astrophysical Journal Letters, dont le premier auteur est Daniele Telloni, chercheur à l'Institut national italien d'astrophysique et co-investigateur de Metis, va plus loin. En effet, il élucide le mécanisme qui donne naissance à un switchback au sein de la couronne solaire. L'équipe a ainsi montré qu'une recombinaison entre des boucles de champ magnétique se développant au-dessus de régions actives de la couronne, et des lignes de champ ouvertes émergeant vers l'extérieur du soleil (le phénomène dit de « reconnexion d'échange »), permettait d'expliquer la formation d'un switchback magnétique.

Ces résultats devraient enrichir les interprétations des données fournies par les satellites d'observation du soleil Parker Solar Probe et Solar Orbiter. En permettant de mieux connaître la structure du champ magnétique, de la turbulence et des instabilités dans l'héliosphère, ils devraient aussi améliorer les prévisions de la météorologie de l'espace, qui, entre autres questions, étudie l'effet du soleil (rayonnement, vent solaire, champs magnétiques) sur la fiabilité de services spatiaux ou terrestres, et sur la santé humaine.

Raffaele Marino est chargé de recherche au Laboratoire de mécanique des fluides et d'acoustique, co-investigateur du « Solar Wind Analyzer » (SWA, sur Solar Orbiter).