Résolution du paradoxe du cycle énergétique dans les océans : première observation directe d’une double cascade d’énergie cinétique

Une équipe du Laboratoire de Mécanique des Fluides et d’Acoustique (CNRS/Centrale Lyon/INSA Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), en collaboration avec l’Université de Columbia et l’Université de Pékin, a vérifié pour la première fois l’existence d’une double cascade d’énergie cinétique dans l’océan.

Cette découverte, publiée dans la revue Science Advances, offre ainsi une explication possible du paradoxe de la coexistence dans l’océan des structures énergétiques à grande échelle (tels que les courants et les grandes structures cycloniques visibles par satellites), et de dissipation d’énergie à petite échelle, observé lors d'une précédente étude (2015).

Les océans : des écoulements géophysiques à la fois tournants et stratifiés

Dans les océans, les sources d’énergie se situent principalement à l’échelle planétaire, tandis que la dissipation d’énergie se produit essentiellement aux micro-échelles. La dynamique à grande échelle de la turbulence dans l’océan se développe sous l’effet de la rotation de la terre, responsable de l’apparition de ce qu’on appelle « l’équilibre géostrophique ». Une conséquence majeure de cet équilibre des forces est d’inhiber le transfert non linéaire de l’énergie aux petites échelles. Cependant, l’océan est également stratifié, en raison de la variation de température et de salinité avec la profondeur. L’océan est alors un parfait exemple d’un écoulement turbulent à la fois tournant et stratifié.

Un mécanisme qui permet de fermer le cycle de l’énergie dans les océans

À l’aide de simulations numériques directes (DNS), un projet mené par Raffaele Marino avait déjà démontré en 2015 la validité d’un nouveau paradigme étendant la théorie classique de la turbulence tridimensionnelle. Ces travaux avaient montré que, sous l’action conjointe de la rotation et de la stratification, l’énergie pouvait en effet subir une double cascade, se transférant alors simultanément à grande et à petite échelle. Ce nouveau paradigme ouvrait une voie de compréhension du transfert d’énergie, proposant un mécanisme pour fermer le cycle de l’énergie dans l’océan, dans lequel l’énergie injectée à grande échelle doit atteindre les micro-échelles de la dissipation afin d’être éliminée du système.

Une nouvelle avancée dans la compréhension du cycle de l’énergie dans les océans

Dans un récent article publié dans la revue Science Advances (octobre 2022), une nouvelle collaboration scientifique incluant le LMFA a montré que le paradigme d’une double cascade d’énergie cinétique décrit en 2015 était bien observé dans l’océan réel (ce qui résout le paradoxe). Ce résultat a été possible grâce à une approche synergique impliquant à la fois des méthodes mathématiques nouvellement développées pour l’analyse statistique des données, les observations des campagnes de dérives lagrangiennes de pointe (GLADE et LASER) menées dans le nord du golfe du Mexique (voir figure ci-dessous), et la validation des théories et des outils d’analyse des données au moyen de DNS haute résolution.

Paradoxe cycle energetique oceans
Répartition spatiale des dériveurs : traces des dériveurs et spectres d’énergie pour 2 campagnes de données. Les points noirs indiquent les emplacements de déploiement et les contours colorés donnent la profondeur bathymétrique.

Des investigations numériques et théoriques développées au sein du LMFA, utilisant des ressources informatiques de l’École Centrale de Lyon pour l’analyse et l’interprétation des observations, ainsi que la collaboration avec des scientifiques de renommée mondiale d’Amérique et d’Asie, ont permis d’obtenir ces nouvelles informations sur la dynamique de nos océans.

Projet de recherche mené par le LMFA (Raffaele Marino, Fabio Feraco) en collaboration avec l’Université de Columbia (Dhruv Balwada) et l’Université de Pékin (Jin-Han Xie).

Lire la publication en ligne sur Science Advances.